BAD : Intégrer les ressources naturelles au PIB

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BAD : Intégrer les ressources naturelles au PIB

L’Afrique, riche en biodiversité et en matières premières, cherche à mieux refléter son potentiel économique. La Banque africaine de développement (BAD) propose d’intégrer les ressources naturelles dans le calcul du produit intérieur brut (PIB). Une réforme qui peut influencer la perception économique du continent et alléger le poids de ses dettes.

Réévaluation nécessaire pour les économies africaines

Les indicateurs traditionnels du PIB privilégient la production manufacturière, les services et le commerce, reléguant au second plan les ressources naturelles. Pourtant, celles-ci sont au cœur de l’économie et de l’environnement. Le continent représente 20 % des terres émergées mondiales, abrite un quart des espèces de mammifères et possède un sixième des forêts de la planète. Des actifs verts importants pour capter le carbone.

Face à cette sous-évaluation, les dirigeants africains plaident pour une nouvelle approche. « Il est temps de revoir la façon dont nous évaluons les économies africaines », exprime Le président de la BAD, Akinwumi Adesina. Ce haut dignitaire a effectivement réaffirmé l’ambition lors du Sommet africain de l’énergie Mission 300 à Dar es Salaam.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2018, le PIB officiel de l’Afrique atteignait 2 500 milliards USD, alors que la valeur de son capital naturel s’élevait à 6 200 milliards USD selon la BAD. Un écart criant, presque trois fois supérieur, qui révèle une richesse largement ignorée. L’Afrique ne demande pas seulement une aide financière, mais une reconnaissance de ses contributions écologiques. La requête sera portée lors des prochains sommets internationaux, comme le G7 et le G20, pour convaincre les institutions financières de revoir leurs critères.

Impact sur les marchés financiers et les dettes

Actuellement, le ratio dette-PIB pénalise les pays africains. Ce calcul basé sur un PIB sous-estimé entraîne des coûts de financement onéreux. En quinze ans, la dette extérieure de l’Afrique passe de 150 à 500 milliards USD, souvent contractée à des taux élevés. Le Nigeria et le Kenya, par exemple, émettent des obligations à près de 10 %, bien au-dessus des standards mondiaux. Intégrer les ressources naturelles dans le PIB pourrait rehausser leurs cotes de crédit, attirer des investisseurs et réduire les coûts d’emprunt.

Cependant, tous les organismes ne sont pas encore convaincus. La Chine, principal créancier bilatéral de nombreux pays africains, soutient cette réévaluation, mais d’autres institutions restent prudentes. De son côté, la Banque mondiale reconnaît l’importance des actifs naturels renouvelables, estimés à 6 % du PIB mondial. La Zambie, tout juste sortie d’une restructuration de sa dette, appuie fermement l’initiative. Son Président, Hakainde Hichilema, insiste sur la nécessité de mobiliser plus de fonds pour le développement.

Défi de monétisation des ressources naturelles

Si cette réforme voit le jour, transformer ces richesses en argent reste complexe. Les crédits carbone, des revenus tirés de la vente de droits d’émission de CO2, offrent une piste. Toutefois, leurs bénéfices demeurent limités. Kariuki Ngari, PDG de Standard Chartered Kenya, tempère l’enthousiasme : « Vous pouvez obtenir plus d’argent, mais pouvez-vous vraiment rembourser davantage ? » Les créanciers internationaux, eux, restent sur leurs gardes.

Cette valorisation s’inscrit aussi dans la lutte contre le changement climatique. Les forêts africaines capturent le carbone, tandis que ses sous-sols regorgent de minerais stratégiques. Par ailleurs, de nombreuses terres africaines regorgent de lithium, indispensable aux batteries électriques. Pourtant, ce potentiel reste sous-exploité. Une reconnaissance de ces atouts pourrait réduire le déficit de financement du continent et renforcer son rôle dans la transition énergétique.

À la COP 29, le Président kényan William Ruto et son homologue congolais Denis Sassou Nguesso défendent cette vision. Cependant, sans engagements fermes des bailleurs internationaux, ces ambitions peinent à se concrétiser.  Comme le souligne Amina Mohammed, secrétaire générale adjointe des Nations Unies, « les coûts exorbitants du capital freinent un développement durable ». L’Afrique détient les clés d’une révolution économique et écologique. Reste à savoir si le monde acceptera de changer ses lunettes pour la voir sous son vrai jour.

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