Le protocole de pêche durable entre le Sénégal et l’Union européenne (UE), conclu pour cinq ans en 2019, prend fin le 17 novembre 2024. L’UE décide de ne pas reconduire cet accord. Cette décision résulte de préoccupations liées à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), une problématique mondiale impactant la durabilité des ressources halieutiques.
Non-renouvellement de l’accord
Depuis 2014, l’UE et le Sénégal entretiennent un partenariat dans le secteur de la pêche, renouvelé en 2019 pour cinq ans. Ce protocole permet à une flotte européenne composée de navires espagnols et français de pêcher dans les eaux sénégalais, en contrepartie d’une contribution financière au budget du pays. Entre 2019 et 2024, cette coopération génère 8,5 millions EUR pour l’État sénégalais. Une partie significative visant à soutenir le développement du secteur halieutique et des projets liés à la conservation des ressources.
Cependant, la Commission européenne met en lumière des insuffisances dans la lutte contre la pêche INN au Sénégal. En mai 2024, le pays est pré-identifié comme non coopérant dans ce domaine. Selon les autorités européennes, ces défaillances compromettent les efforts visant à garantir une exploitation durable des ressources marines. En conséquence, tout renouvellement d’accord reste conditionné à des progrès concrets dans la traçabilité et le contrôle des activités de pêche.
Divergences de narratifs
Le gouvernement sénégalais et l’UE se renvoient la responsabilité de cette interruption. L’ambassadeur de l’UE au Sénégal, Jean-Marc Pisani, affirme que l’absence de reconduction découle des manquements sénégalais dans la lutte contre la pêche illégale. En revanche, plusieurs responsables sénégalais dont le ministre de l’Enseignement supérieur Abdourahmane Diouf affirment que cette décision émane du Sénégal lui-même. Une initiative visant à préserver les intérêts des pêcheurs locaux.
Ces déclarations contradictoires reflètent des tensions sous-jacentes quant à l’impact de ces accords sur la durabilité des ressources maritimes et les conditions de vie des communautés côtières. Pour Dakar, la préservation des stocks halieutiques constitue une priorité afin de soutenir la pêche artisanale, un secteur vital pour l’économie locale.
Conséquences économiques et sociales
La fin de cet accord entraîne plusieurs répercussions. Du côté européen, une flotte de 18 navires, principalement spécialisés dans la pêche au thon tropical et au merlu noir, perd son accès aux eaux sénégalaises. Bien que ces captures représentent moins de 1 % de la pêche totale au Sénégal, elles restent stratégiques pour les acteurs européens.
Pour le Sénégal, l’arrêt des contributions financières issues de cet accord affecte le financement de projets structurants, tels que la construction d’infrastructures de pêche ou les initiatives de recherche scientifique. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique que les captures sénégalaises en 2022 s’élevaient à 500 000 tonnes. Cependant, cette abondance masque une raréfaction progressive de certaines espèces, exacerbée par la pression exercée par les flottes étrangères.
Perspectives pour les pêcheurs locaux
Les pêcheurs artisanaux accueillent favorablement la fin de cet accord, espérant une amélioration des stocks halieutiques. Des témoignages soulignent les difficultés rencontrées par les pêcheurs locaux face à une concurrence accrue et à une diminution des prises. L’accès exclusif aux zones de pêche pourrait contribuer à revitaliser ce secteur clé.
Cependant, l’absence de mécanismes de régulation stricte pourrait aggraver les défis actuels. Une gestion durable des ressources nécessite des efforts concertés pour surveiller les activités de pêche et renforcer la coopération régionale. Des organisations internationales et des partenaires bilatéraux peuvent jouer un rôle crucial dans ce processus.
Alternatives pour le Sénégal
L’interruption de cet accord offre une opportunité au Sénégal de repenser sa stratégie de gestion des ressources maritimes. Une meilleure valorisation de la pêche artisanale, qui représente une part importante des exportations de produits halieutiques, pourrait dynamiser l’économie locale. La promotion d’une pêche durable, soutenue par des investissements dans la surveillance maritime et la recherche scientifique, s’avère essentielle.
Dakar peut également explorer des partenariats avec d’autres acteurs internationaux ou régionaux, tout en veillant à préserver ses intérêts nationaux. La renégociation d’accords, avec des conditions plus favorables aux communautés locales, constitue une piste envisageable.
Enjeu global pour la durabilité
La pêche INN constitue un défi global. Les activités illégales compromettent les écosystèmes marins, réduisent les revenus des États côtiers et fragilisent les moyens de subsistance des communautés locales. La lutte contre ce fléau nécessite une coopération renforcée entre pays, notamment par l’échange d’informations et l’adoption de technologies avancées pour surveiller les flottes.
Pour l’UE, la tolérance zéro envers la pêche INN vise à promouvoir une exploitation durable des ressources mondiales. Ce positionnement, bien que rigoureux, envoie un message clair aux partenaires : le respect des normes internationales constitue une condition préalable à tout partenariat.
La suspension de l’accord de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne marque un tournant dans les relations bilatérales. Bien qu’elle suscite des défis économiques à court terme, cette décision offre une occasion de repenser la gestion des ressources marines. En mettant en place des réformes et des mécanismes adaptés, Dakar pourrait transformer cette contrainte en opportunité, renforçant ainsi la résilience de son secteur halieutique.