La récente visite du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko en Côte d’Ivoire (29 mai – 1er juin 2025) marque une étape stratégique dans la diplomatie régionale du Sénégal. Cette initiative traduit la volonté de Dakar de bâtir avec Abidjan un partenariat inspiré du modèle franco-allemand, reconnu pour sa capacité à transformer d’anciennes rivalités en moteur de coopération et d’intégration régionale.
Principes du modèle franco-allemand
Le modèle franco-allemand est fondé sur plusieurs piliers :
- Leadership partagé et convergence politique sur les grands enjeux européens.
- Institutionnalisation de la coopération à travers des commissions mixtes et des échanges réguliers à tous les niveaux.
- Capacité à surmonter les rivalités historiques pour bâtir une relation de confiance et de prospérité mutuelle.
- Poids économique et démographique significatif au sein de leur espace régional (un tiers du PIB et de la population de l’UE).
Application au tandem Sénégal – Côte d’Ivoire
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui représentent ensemble plus de 60 % du PIB de l’UEMOA, disposent d’un potentiel économique considérable mais encore sous-exploité. Leur proximité historique, politique et sociale, héritée des premiers accords signés en 1971, facilite une coopération profonde.
Les deux États affichent aujourd’hui une volonté de relancer et d’institutionnaliser leur partenariat :
- Réactivation de la Commission mixte sénégalo-ivoirienne pour impulser une nouvelle dynamique dans les six mois à venir.
- Mise en place de cadres de coopération militaire, sécuritaire, scientifique et culturelle.
- Partage et harmonisation des textes législatifs et réglementaires.
- Coopération renforcée dans la transformation industrielle, les ressources halieutiques, l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.
Défis et enjeux
Malgré la complémentarité de leurs économies et leur vision commune pour une sous-région intégrée et pacifique, plusieurs défis subsistent :
- Divergence d’approche : Le Sénégal, engagé dans une phase réformiste et souverainiste, aspire à une coopération « win-win », tandis que la Côte d’Ivoire adopte une posture plus traditionnelle.
- Nécessité de bâtir des consensus sur les questions monétaires, sécuritaires et la gestion des relations avec les autres organisations régionales (Cédéao, AES).
- Compétition entre les ports d’Abidjan et de Dakar, bien que des synergies sont possibles.
Perspectives
Pour réussir ce « couple » sénégalo-ivoirien à la manière du tandem franco-allemand, il est recommandé :
- D’institutionnaliser les échanges et de les rendre plus fluides et quotidiens.
- D’encourager les projets structurants et l’intégration des chaînes de valeur régionales.
- De renforcer le leadership conjoint sur les grands dossiers sous-régionaux afin d’attirer davantage d’investissements et de promouvoir la prospérité collective.
Conclusion
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire ambitionnent de s’inspirer du modèle franco-allemand pour devenir le moteur de l’intégration et du développement ouest-africain. Cela passe par une coopération institutionnalisée, une complémentarité économique assumée et un leadership partagé, tout en relevant les défis de convergence politique et de gestion des intérêts nationaux.